Augmentons résolument le prix des carburants !

Article de Yves Paccalet

Il y a des moments où la franchise devient un devoir, et pas seulement pour le boy scout. Je me dévoue, je mets les pieds dans la flaque de gazole : ce projet de baisse du prix des carburants est une « Total » mauvaise idée ! Le gouvernement Hollande-Ayrault devrait, au contraire, augmenter les tarifs, et de façon substantielle… Quand je tiens ce discours, mes interlocuteurs me croient fou. Ils ont peut-être raison sur le fond, mais je persiste, parce que je vais dans le sens de l’histoire.
Lorsqu’il est question de baisser le prix du super ou du gazole, le seul argument qui ne relève pas de la démagogie consiste à dire que cela aidera les moins riches. C’est faux. Sur le moment, les pauvres auront le sentiment d’économiser quelques centimes par litre (on évoque une baisse de l’ordre de quatre). Mais ils paieront ailleurs, et plus cher. Les compagnies pétrolières compenseront leur « geste ». Les grands magasins se rattraperont sur d’autres marchandises. L’État fera rentrer d’autres impôts : TVA, CSG, etc.
La question de fond concerne les énergies que nous gaspillons. Le pétrole s’est formé sous la terre grâce à la décomposition bactérienne de milliards d’organismes végétaux et animaux. Ce processus a duré deux cent millions d’années. La ressource n’est évidemment pas renouvelable. Or, nous consommons (nous, les humains) en un an le pétrole que la nature a mis un million d’années à fabriquer. Même si les spécialistes discutent des détails, il est clair que nous avons franchi le fameux « pic de Hubbert » (du nom d’un géologue américain), qui marque le moment où nous avons brûlé la moitié des ressources disponibles.
Il reste cinquante pour cent du pétrole de la Terre. Mais c’est la moitié la plus difficile à extraire – celle qui se cache dans les profondeurs marines, dans les zones polaires, ou sous une forme réputée « non conventionnelle » (schistes bitumineux, sables asphaltiques, gaz ou huiles de schiste…). Outre les périls écologiques inhérents à l’exploitation de tels gisements, il faut savoir que des forages de ce type coûtent les yeux de la tête. Le pétrole deviendra de plus en plus cher parce qu’il sera de plus en plus compliqué à aller siphonner là où il en reste.
L’autre facteur de renchérissement tient, bien sûr, au fait que les amateurs sont de plus en plus nombreux et avides. Les grands drogués du pétrole sont longtemps restés l’Occident et le Japon. Les « émergents » en consomment désormais tout autant. Une ressource non renouvelable, de plus en plus rare, de plus en plus difficile à pomper, et convoitée par de plus en plus de monde : les ingrédients sont réunis pour une élévation des prix durable et violente. Du reste, hypersensible aux tensions extérieures : cyclone dans le golfe du Mexique ou guerre au Moyen-Orient…
Il reste bien peu de pétrole. Et guère plus de gaz naturel… Les prévisions de ressources (trente ans ? cinquante ans ?) sont toutes biaisées – primo, parce qu’elles ont été calculées sur la base de la consommation des seuls pays riches ; et secundo, parce que tout le monde ment sur ses potentialités réelles – les compagnies comme les États pétroliers, y compris les mieux dotés, à commencer par l’Arabie saoudite.
Nous n’avons presque plus de pétrole, et la seule réponse à ce problème énergétique majeur consisterait à faire baisser de quelques centimes les prix à la pompe ? Trop drôle… La seule solution sensée (nous n’en prenons pas le chemin) consiste à nous désintoxiquer de l’huile. À entamer (autrement qu’en paroles) la transition énergétique vers les énergies renouvelables… Nous n’avons pas d’autre issue que de diminuer vite et fort notre consommation d’énergies fossiles, parce qu’elles seront de plus en plus chères, et parce qu’elles provoquent un chaos climatique dont nous paierons tous les effets.
Moins de bagnoles, moins d’avions (je sais : ça ne va pas arranger notre « croissance » !). Des trajets de plus en plus courts. Du covoiturage, mais surtout des transports en commun. Fini, l’aller-retour à Marrakech pour cent euros ! Terminé, les vacances à Phuket…
De toute façon, cet automne, dès qu’Israël aura bombardé les installations nucléaires de l’Iran, le prix des carburants fera la culbute. Je prends les paris. Tenez, je suis gentil : je vous fais le litre de super à quatre euros !

Source: http://www.yves-paccalet.fr/blog/2012/08/30/augmentons-resolument-le-prix-des-carburants/#comment-12868