Colin Campbell - fondateur ASPO [portrait]

Qu'est-ce qui anime, au fond, Colin Campbell[ fondateur de l'ASPO – Association for the study of Peak Oil & Gas] de parcourir le monde pour prêcher la fin du pétrole ? « J'essaie seulement de démontrer que nos modélisations d'épuisement des réserves pétrolières sont exactes, je veux provoquer la réaction des gouvernements. Ils préfèrent ignorer cette réalité, quand ils ne la nient pas en bloc. Mais moi, je ne veux pas mourir en laissant à mes petits enfants une terre ravagée par notre imprévoyance. »

[…] Pendant près d'un demi-siècle, il a été un géologue très demandé, salarié successivement par les compagnies pétrolières les plus en vue : Texaco [U.S.A], British Petroleum, la belge Fina (avalée il y a quelques années par Total) ou encore Amoco [U.S.A] – reprise, elle par BP. Il a parcouru du pays, des déserts, des montagnes, des vallées, sondé le sol, le plus souvent dans des conditions impossibles – lieux inaccessibles, météo pourrie. Il a établi des plans de forage. Et, sur le tard, il a fini par ne plus avoir la conscience tranquille : « Oui, on trichait, et on s'en cachait à peine. On exagérait systématiquement les réserves d’or noir en sous-sol. On savait que c'était faux, mais tout le monde faisait comme ça, c'était tacitement accepté. Parce que c'était bon pour le cours des actions. Plus les compagnies annonçaient des réserves élevées, plus leur capitalisation progressait. C'était un exercice de myopie organisé. » Le problème, explique-t-il, c'est que, désormais, plus personne ne fait confiance à personne. Surtout depuis le scandale de la Shell. […] Que reste-t-il vraiment dans les entrailles de la Terre ? La pénurie est-elle proche, ou même imminente ? Campbell penche pour la seconde hypothèse. Il a d'abord fixé la date de son peak oil en 2007 avant de le corriger en 2010. une implacable précision qui fait froid dans le dos aux stratèges chargés d'imaginer les politiques énergétiques de demain.

Serge Enderlin, L'après-pétrole a commencé, pp. 55-57, 2009, Seuil.